Chapitre 4 - Le développement monte-t-il péniblement
l'escalier?
1. Deux métaphores du développement cognitif
des fréquences des différents modes de pensée, sachant que de
nouvelles
approches sont ajoutées aux anciennes et que les anciennes ne
sont plus utilisées à partir d'un certain moment. Pour saisir cette perspective
à partir
d'une métaphore visuelle, pensez à un ensemble de vagues se
chevauchant,
comme celles représentées sur la figure 4.4, sachant que
chaque vague
correspond à une règle, une stratégie, une théorie ou un mode
de pensée différent(e).
Le contraste entre la métaphore du chevauchement des vagues
et celle de la
progression en escalier, tel qu'il apparaît entre les figures
1-3, fait apparaître
des différences entre les deux types d'approches.
Une différence qui saute immédiatement aux yeux est que,
plutôt que de proposer un mode unique de pensée à chaque étape du
développement, la métaphore des vagues représente les fréquences relatives des
divers modes de pensée sur les divers points de repère temporels et leur
changement de fréquence au cours du temps. Si, sur une tâche donnée, les
enfants adoptent un mode unique de pensée à un moment donné et changent
soudainement pour adopter occasionnellement plusieurs modes de pensée plus
élaborés, les vagues de la figure 4.4 s'écrasent pour donner une évolution en
escaliers, exactement comme dans les figures 4.1-4.3. Ainsi, la description en
ternies de vagues envisage celle en termes d'escaliers comme une réduction
comprenant le nombre minimum de modes de pensée et le maximum de changements
soudains. Cependant, l'approche en termes de vagues permet également de décrire
des situations plus typiques, me semble-t-il, dans lesquelles de multiples
approches coexistent sur des périodes prolongées. Dans ce cadre, le
développement est caractérisé par des changements affectant leurs fréquences
relatives ainsi que par l'introduction de nouvelles approches. ; La métaphore des vagues permet
d'aborder les problèmes de manière à la fois explicative et descriptive, ce qui
serait impossible autrement. Concernant l'approche descriptive, le fait de
savoir que les enfants utilisent une variété d'approches pendant une certaine
durée impose clairement l'examen séparé des changements de fréquence, de
vitesse et d'exactitude, de l'automaticité et de l'étendue de l'utilisation de
chaque approche. Il peut en résulter une description du développement beaucoup
plus fine que celle susceptible d'être obtenue à partir du moyen-âge sur
l'ensemble des approches. Par exemple, on peut savoir si les variations de
vitesse avec l'âge sont dues au fait que les enfants plus âgés acquièrent des
stratégies plus rapides que les précédentes, ou qu'ils utilisent plus fréquemment
les stratégies disponibles les plus rapides, ou encore au fait qu'ils exécutent
les mêmes stratégies plus rapidement, ou enfin à la combinaison de plusieurs de
ces sources de changement potentielles.
Concernant l'approche explicative du développement, la
perspective des vagues accorde une place centrale à des questions restées dans
l'ombre dans les approches traditionnelles. Qu'est-ce qui conduit les enfants
plus âgés, et non ceux plus jeunes, à adopter différents modes de pensée ? Cela
est-il dû au fait que lés enfants plus jeunes ne disposent pas de la même
diversité des modes de pensée que les enfants plus âgés ? Ou cela est-il dû au
fait qu'ils mettent en œuvre des algorithmes de sélection différents alors
qu'ils possèdent les mêmes modes de pensée ? Ou encore, cela est-il dû au fait
qu'ils possèdent une base de données plus restreinte conduisant au même
algorithme produisant
différents choix, alors qu'ils possèdent les mêmes modes de
pensée et utilisent les mêmes algorithmes de sélection ? Cette approche soulève
également la question de l'émergence et de l'apparition de nouveaux modes de
pensée, ainsi que de l'intégration de ces nouveaux modes de pensée dans le
répertoire des modes déjà existants.
La perspective des vagues soulève également une question plus
générale concernant les raisons pour lesquelles l'activité cognitive serait
structurée de telle sorte qu'une variété de modes de pensée serait disponible
pendant plusieurs années, Par exemple, lorsque les enfants découvrent une
nouvelle stratégie plus élaborée, pourquoi continuent-ils à utiliser
fréquemment des stratégies antérieures, plus anciennes et moins sophistiquées
pendant un temps relativement long ?
Cette question sera examinée de manière plus approfondie dans
les chapitres suivants, mais, pour anticiper la réponse, d'une manière générale
considérons la tâche principale de l'enfant en développement : apprendre.
L'enfance, en particulier la petite enfance, est une période au cours de
laquelle l'importance d'une bonne performance est minimisée comparativement à
ce qu'elle sera ultérieurement dans la vie. En revanche, l'apprentissage de
nouvelles habiletés et compétences, et le fait d'apprendre toujours plus, sont
absolument essentiels. L'apprentissage est la tâche centrale de l'enfance.
Ceci implique que les propriétés facilitant l'apprentissage
pourraient être en général particulièrement importantes au cours de l'enfance.
La variabilité cognitive semble constituer l'une de ces propriétés. Considérons
par exemple en quoi la variabilité cognitive facilite l'apprentissage. Siegler
et Jenkins (1989) ont étudié, chez des enfants de 4 et 5 ans, les découvertes
de la stratégie du minimum pour additionner deux nombres. Lorsque ces
découvertes sont apparues, l'utilisation de la nouvelle stratégie n'a pas
amélioré la performance des enfants sur les petits problèmes qui leur étaient
présentés à cette phase de l'étude. La stratégie du minimum n'était ni plus
rapide ni moins exacte que le comptage à partir de un. Ainsi, si les nouvelles
stratégies n'apparaissaient qu'à condition de fournir un bénéfice immédiat, les
enfants ne découvriraient jamais la stratégie du minimum. Sur un nombre
important de séances suivant la découverte, les enfants ont utilisé la nouvelle
approche quelquefois seulement sur les problèmes de petite taille qui leur
étaient présentés. Le comptage à partir de un est resté la principale stratégie
des enfants, même après la découverte de la stratégie du minimum.
Toutefois, lorsque plus tard ces enfants d'école maternelle
voyaient des problèmes plus difficiles, comme 2 + 21, une rupture apparaissait.
Les enfants qui avaient auparavant découvert la stratégie du minimum
l'utilisaient très souvent pour résoudre ces problèmes plus difficiles, et
l'utilisaient ensuite beaucoup plus souvent avec tous les types de problèmes.
En revanche, les enfants n'ayant pas découvert la stratégie du minimum sur les
problèmes de petite taille étaient simplement dépassés par les nouveaux
problèmes plus difficiles et ne parvenaient pas plus à les résoudre grâce aux
stratégies qu'ils utilisaient auparavant, qu'à mettre en place la stratégie du
minimum. Ainsi, disposer d'une variété de stratégies peut s'avérer utile pour
s'adapter à de nouvelles situations, même lorsqu'une ou plusieurs de ces
stratégies ne son t
إرسال تعليق