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Le football est un sport collectif dont les performances dépendent de 11 individualités. Créer une équipe, c’est jongler avec les caractères des uns et des autres, gérer les ego et les absences d’ego, faire émerger une force collective tout en se basant sur des talents individuels. Au fond, le foot se résume à essayer de faire que « la mayonnaise prenne » au sein d’un groupe donné. Parfois ça prend. Parfois non. Il peut arriver alors que les problèmes individuels plombent le collectif.

Voici ci-dessous la liste des 9 facteurs clefs de succès principaux selon moi influençant la popularité d’un sport telle qu’on vient de la définir.

1. Règles intelligibles par l’homo sapiens sapiens moyen (ce qui complique la tâche du rugby par exemple)

2. Sport rythmé, peu de temps morts, peu de rôles ingrats, élasticité du temps de jeu

ce qui fait que même en 5 minutes de jeu, on a le temps de s’amuser

problème du baseball et du cricket, où il y a des tours à attendre, impossibilité de faire une partie en peu de temps

le football aurait ce problème si il y avait plus de rôles perçus comme ingrats à l'instar de celui du gardien de but

3. Utilisation d’une balle

de tout temps et en tout lieu les hommes ont inventé des jeux de balles (en autres exemples les Grecs de l’antiquité, en Chine impériale, chez les Aztèques, les Aborigènes d’Australie, ou en Europe médiévale)

Ces sports semblent être apparus « naturellement » dès qu’un objet rond, sphérique avaient pu être mis au point ou en circulation : les hommes ne semblent alors pas pouvoir résister à l’envie d’aller taper, faire avancer la balle par tous les moyens

Il n’y a qu’à voir la frénésie qui s’empare de la foule dans une soirée dès qu’un ballon baudruche est lâché,  chacun s’empresse, dès que la balle s’approche, d’essayer de la frapper

Il y a là sans doute quelque chose d’animal, lié à notre instinct de joueur ou de chasseur, que l’on partage avec les chiens et les chats qui semblent eux aussi s’amuser à pourchasser les balles ou pelotes...

renforce la dimension spectaculaire/télégénique (cf 9.)

4. Jeu en équipe : multiplie les possibilités d’interactions, rend les parties plus vivantes, syndrome “les parties se suivent mais ne se ressemblent pas”, il devient possible d’échafauder des tactiques

renforce la dimension spectaculaire/télégénique (cf 9.)

5. Possibilité de jouer sur tous les terrains

Pas besoin d’un terrain bien plat où faire rebondir le ballon

à l’inverse du basket ball et handball

pas besoin d’un terrain bien friable où plonger n’est pas dangereux

à l’inverse du rugby et du football américain

6. Elasticité du nombre de participants et du terrain

au football, la taille du terrain peut s’adapter à l’espace disponible, au nombre de joueur, tout est possible

à la différence du cricket, du baseball, du basket aussi

même à taille de terrain figée, le football accepte une certaine élasticité du nombre de joueurs (qualité partagée avec bcp de sports de balle toutefois, on se souvient des tournantes au ping-pong à 15)

7. Nul besoin d’instruments/équipements particuliers

juste des poteaux, mais des sacs à dos d’écoliers suffisent à les matérialiser

à la différence du basket (panneaux)

à la différence du volleyball (filet), tennis (raquette, filet), ping-pong (table), hockey sur glace, etc.

8. Usage des mains interdit : critère fondamental

Dans un jeu où l’usage des mains est permis, il devient plus difficile de prendre la balle à l’adversaire, on en est souvent réduit à attendre qu’il perde  le ballon, ce qui peut lasser plus facilement le spectateur comme le joueur. Cela est dû à deux raisons triviales:

les passes à la main sont bien plus précises, moins de chance de perdre le ballon suite à une mauvaise passe

il devient très ardu de prendre la balle à l’adversaire  sans faire de faute lorsqu’il la porte

quand  la conduite de balle à l’aide des mains est autorisée, deux cas de figure sont possibles :

Soit il est possible de prendre la balle des mains de l’adversaire, et il devient alors très difficile de discerner une prise de balle régulière d’une faute. Une telle règle serait difficilement applicable, et on peut facilement imaginer que les parties dégénéreraient très vite lors de matchs improvisés entre jeunes sans supervision. Cas impossible selon moi, empêchant le sport d'être un sport de rue.

Soit c’est interdit ou très encadré, et il devient alors très difficile de récupérer le ballon

C’est d’ailleurs pour compliquer la conduite de balle qu’au basketball il est interdit de porter la balle au-delà d’un certain nombre de pas, et qu’il n’est possible de garder le ballon tout en avançant qu’à condition de le faire rebondir, le rebond étant une occasion pour les adversaires de plus facilement s’en saisir, mais cela suppose plusieurs contraintes limitant son essor:

avoir une balle suffisamment rebondissante (possible que depuis qq décennies seulement avec la maîtrise du latex)

avoir une balle sphérique pour contrôler le rebond (idem difficile de garantir la rotondité des balles avant l'avènement du latex et matière synthétique). Le rebond est moins problématique au football.

disposer d'un terrain sans aspérités pour contrôler le rebond

c’est cette dernière contrainte qui limite notamment l’essor du basketball par rapport au football qui lui est tout terrain

A l’inverse, quand seul l’usage des pieds est autorisé:

les passes tendent à perdre en précision, les passes compliquées réussies deviennent spectaculaires

il est plus simple de venir prendre le ballon au porteur car la balle n’est jamais totalement collée au joueur (sauf avec Messi...), les fautes sont plus faciles à discerner, les joueurs peuvent se discipliner plus facilement. Idem quand un joueur arrive à conserver le ballon, cela devient tout de suite spectaculaire!

9. Et bien sûr : être plaisant à regarder jouer

Plus on prend plaisir à regarder un sport, plus on a envie soi-même de jouer.

Pour divertir les spectateurs, le sport doit :

Etre spectaculaire

problème du curling, fléchettes, ping-pong

Etre rythmé (pas trop de coupures techniques, etc ==> pb du baseball, du football américain entrecoupé d’arrêts)

Etre facile à comprendre pour le grand public

problème du rugby

Etre varié (les parties se suivent mais ne se ressemblent pas)

problème du handball et peut-être du basket à certains égards

Si l’on veut considérer la popularité d’un sport à l’aune de ses spectateurs, ce serait LE critère à maximiser évidemment, mais il est renforcé par certains des critères détaillés plus tôt (jeu en équipe, avec une balle).

Il apparaît que tous les facteurs évoqués pointent vers une même direction pour désigner un sport de balle se jouant principalement avec les pieds: le football !

Je pense que le fait qu’un tel sport se jouant balle au pied devienne le sport le plus populaire au monde n’est pas le fruit du hasard ou d'un habile coup marketing savamment orchestré par un génie des affaires.

Cette "success story" obéit je pense à ces 9 raisons qui font que si une seconde chance était donnée à l’humanité, si on rembobinait le film de l’histoire humaine, un tel sport réapparaîtrait, et s’imposerait comme le sport numéro 1 à nouveau.

J’ai le sentiment qu’il y a un côté "inéluctable" à l’émergence d’un sport balle au pied, à l’image de la biologie par exemple où certains organes ont évolué dans différentes espèces distinctes car à chaque fois les circonstances s’y prêtaient, idem pour le progrès technique où une même invention est mise au point à différents endroits car elle était “inévitable” compte tenu des conditions en place. Extrait de "What technology wants" de Kevin Kelly: